Wow, survivre: ça à l'air pénible dit comme ça! Surtout que comme tous les parents d'enfants qui ont eu ou qui ont un retard de langage, on ne peut que se réjouir quand ça débloque. Mais malgré cette joie, vivre les intérêts spécifiques des enfants ayant un trouble du spectre de l'autisme au quotidien, c'est intense. Oui, intense. Très. Très. Intense.
Imaginez-vous que l'enfant ne parle que de ça. Oui, uniquement de ce qui le passionne. Tout le temps. Tout est ramené à ce super intérêt: tout, tout, tout.
Alors que Yéyé parlait très peu (des ''phrases'' de 2 mots), notre seul soucis était qu'elle se mette à parler! À cette époque, il était assez facile de changer les émissions de télévision quand nous étions tanné. Et son intérêt pour les casse-têtes était super mignon. Jusque là, ça allait somme toute assez bien.
La phase Happy Feet
C'est avec Happy Feet que cela a vraiment commencé. Cette phase a duré une grosse (et très longue) année. Encore ici, le langage se développait tranquillement et nous nous réjouissions tellement de chaque petite avancée qu'on trouvait cette passion assez mignonne. En fait, Yéyé écoute souvent le début des films ou les mêmes épisodes d'émission à en avoir des haut-le-cœur. Je pense que c'est pour elle une façon d'apprendre autant en terme de vocabulaire que des situations sociales et des interactions également. Et comme, elle a besoin de bien connaître chaque détails, elle peut revisionner ses bouts préféré de façon très répétitive des dizaines, voir des centaines de fois.
Comme c'est un puissant moteur de développement du langage, on est porté à l'encourager. J'embarque avec elle en jouant un personnage pour lui répondre afin de d'abord lui faire un plaisir immense mais aussi de la stimuler pour aller plus loin dans le jeu. Au début de Happy Feet elle n'avait pas encore débuté le jeux symboliques et les bouts de film ou d'émission étaient répétés de façon ultra mécanique et hors contexte. Qu'à cela ne tienne j'embarquais à fond la caisse! On célébrait ce petit bout de chemin. Une étape à la fois comme on dit!
Les trois chatons des Aristochats
Après une grosse année de cette phase très intense, nous avons décidé, pendant nos vacances, de faire entrer de la nouveauté dans la vie de Yéyé. En commençant par les Aristochats, un classique. Le premier visionnement a été un pseudo-échec puisque mademoiselle nous demandait continuellement ses ''pingouins'' mais qu'à ne cela ne tienne nous avons persisté. La première fois, elle n'écouta que dix minutes avec nous et parti poursuivre d'autres jeux. Mais, malgré son intérêt mitigé, elle revenait périodiquement voir l'écran et démontrait un intérêt variant de quelques secondes à quelques minutes. Dès le deuxième essai, on a pu constaté que nous avions bien visé.
La fameuse Pat Patrouille
C'est pendant les mêmes vacances que nous avons fait l'essai de Pat Patrouille, mais ça n'a pas fonctionné immédiatement. L'effet des trois chatons étant très prenant au début.
Ce n'est que quelques semaines plus tard que l'escouade des petits chiots commença son effet. Son intérêt était d'abord léger. Mais nous avions alors compris le principe d'introduire, même si c'est parfois difficile (que dis-je: héroïque!), d'y aller par la force. Il faut dire que parfois ça ne fonctionne juste pas du tout et que l'intérêt est complètement inexistant. On ne peut pas vraiment imposer une passion.
Donc, la Pat Patrouille s'installa doucement à travers d'autres films ponctuels qui ont été fulgurant, mais de façon moins longue ou persistante.
C'est d'ailleurs la fameuse Pat Patrouille qui nous a permis de découvrir que les intérêts spécifiques peuvent être poussés à un tout autre niveau.
Donc, notre Yéyé veut se faire appeler Stella (le premier personnage féminin de cette escouade, une championne de l'hélicoptère). Elle nous reprend continuellement avec ''Non, c'est pas Yéyé, c'est Stella''. On continue de l'appeler par son prénom, mais parfois c'est plus fort que nous, elle devient Stella. Elle est consciente toutefois que c'est un jeu. Mais le jeu prend beaucoup, beaucoup de place.
Au début, elle n'a écouté que deux épisodes continuellement, celui de l'Halloween et celui de Noël. On était super content parce que cela lui a permis de s'intéresser à ces deux fêtes et elle a pu y participer à sa manière, à son niveau. C'était donc la première année que Yéyé fêtait avec nous en comprenant ce qui se passait, à quatre ans et demi dépassé. Comme quoi, l'intérêt peut amener nos enfants beaucoup plus loin dans leur compréhension de l'univers et des différents rites, rituels et coutumes. De même qu'à ouvrir une porte pour une interaction avec les gens qui l'entourent et une meilleure participation dans la vie familiale.
Donc, tout doucement, elle nous parlait de plus en plus des personnages et des éléments clefs de leurs aventures, dans tous les moments de la journée.
À un moment, elle nous a intégré complètement dans son jeu: je suis devenu Chase le chiot police (ah bon?) et son papa Rocky le réparateur-recycleur (oui, ça c'est vrai). Dans son univers, les couleurs sont super importantes, voir fondamentales. Alors avec les personnages, vient un code de couleur qui s'applique dans toutes les situations de la vie (en mangeant, en l'accompagnant dans ses jeux de blocs, de société ou de bricolages, etc.). Elle m'appelle Chase tous les jours, et ce, même quand elle se réveille la nuit. Et elle nous salue de cette manière aussi lorsqu'on s'en va. C'est complètement ahurissant, et ultra présent au quotidien.
Bien sûr les enfants typiques aussi apprécient beaucoup ces personnages et les émissions, mais ils ne démontrent pas la même intensité dans leur intérêt.
Quand nous interagissons avec des gens lors des sorties, ils peuvent devenir le capitaine Turbo, Madame le Maire, ou bien Madame Goodwhite selon l'inspiration du moment. Il est très rare que je l'entende dire seulement Monsieur ou Madame, sans que ne s'ajoute un qualificatif tiré de la Pat Patrouille.
Nous avons eu une phase ''plus jeter, faut recycler'' pendant laquelle bien de la nourriture finissait dans le recyclage (nous n'avons pas de compost dans notre municipalité) et que nous faisions face à des crises d'effondrement émotionnels lorsqu'on lui disait que ça ne recyclait pas mais qu'il fallait jeter!
J'ai même eu droit, pendant un dîner, alors que je lui servais du lait, à un ''Bon chien!'' plutôt que son ''Merci'' habituel!
L'écholalie
Elle récite continuellement des bouts d'épisode, majoritairement pour son propre univers imaginaire mais également pour partager avec nous. Alors, pendant d'autres jeux avec nous, elle part dans sa bulle et change sa voix pour personnifier les personnages et jouer la comédie avec une toute petite voix, parfois à peine perceptible.
Elle prends aussi la voix et les intonations de Stella pour différentes phrases types: ''Wouf! Ailes!'', ''Un petit tour dans les airs'' ou bien elle nous donne une lichée sur la joue et nous apporte des objets avec sa bouche comme un chiot. Elle change régulièrement sa voie et imite le petit rire de ''Stella'' qui est totalement différent de son rire franc et spontané.
Le bon côté
Malgré tout, nous apprécions beaucoup ces personnages: ils sont débrouillards, déterminés, extrêmement créatifs et toujours en mode résolution de problème. Et comme, notre petite tornade à tendance à détruire des choses, elle se met rapidement en mode réparation, comme Rocky et souhaite utiliser son tournevis ou son marteau dans pleins de situations diverses.
Je vais revenir ici sur le fait, que malgré l'intensité de tout ceci, on demeure tout le temps reconnaissant et extrêmement heureux de constater l'évolution du langage de notre Yéyé. On s'estime super choyés que ça stimule son développement langagier, et pas une journée ne passe sans qu'on se dise à quel point c'est merveilleux de l'entendre parler encore et encore, et de plus en plus. D'autre part, ça lui permet aussi de développer la complexité de sa pensée. Elle fait de plus en plus de liens entre les différentes situations fictives et celles réelles et transpose beaucoup, toujours inspirée par ses personnages canins préférés.
L'important dans tout cela, c'est de focuser sur tout le positif que ça nous apporte et être capable d'en rire.
Je vous laisse, maintenant je vais aller retrouver ma petite Troll: la princesse Poppy!